lundi 1 février 2016

Jehan Lanvin, musicien de bal en Artois

à Teneur (Pas de Calais)


photo Chantefoire

Article rédigé par Gaby Delassus en décembre 1982, après quelques enquêtes réalisées avec Patrick Delaval, et qui parut d’abord dans la revue créée par Roland Delassus « Le Tambourineur », qui préfigura la naissance de la revue « Trad Magazine ». Tous trois étaient musiciens et membres du « Collectif d’Expression Musicale CHANTEFOIRE ».


C’est pendant l’hiver 1981, au cours d’une enquête consacrée aux « traces d’existence d’une cornemuse régionale en Artois » (recherches d’écrits et de témoignages que nous effectuons Patrick Delaval et moi-même depuis près de deux ans, et dont nous vous rendrons compte un de ces jours ; rassurez-vous, et pour couper court à tout bruit « erronément optimiste », nous n’avons toujours pas retrouvé de bouts de tuyau pouvant être assimilés à la cornemuse).

Alors voilà, un soir au cours d’une visite chez un historien local, nous apprenons l’existence de Monsieur Jehan Lanvin, joueur d’accordéon diatonique. Monsieur Lanvin est né en 1906, il est célibataire et vit avec sa sœur, madame Yvonne Ducrocq.

Il a appris à jouer avec son père (qui jouait également l’accordéon diatonique). Mais aucun d’eux ne connaissait la musique. Jehan le fils, pour sa part, a beaucoup appris à la porte même des bals ; il écoutait puis, rentré chez lui, s’essayait à reproduire, « d’tête », les airs entendus, sur son premier accordéon hérité en 1917 (il a alors 11 ans) de son oncle, qui jouait en duo avec son frère (le père de Jehan).

Un peu plus tard, il achètera pour 150 F un autre accordéon, à Montreuil sur Mer. Puis ce sera l’acquisition en 1934 d’un accordéon « Maugein », de Tulle, reçu par la poste, avec en cadeau la partition de « La chanson des chômeurs » (déjà ?).

Les occasions de jouer étaient surtout les fêtes locales ou des environs (Anvin, Heuchin, etc…) ; mais de temps à autre, Monsieur Lanvin et la famille allait jouer sur les hauteurs, à la sortie du village, pour le plaisir, quand il faisait bon.

« Au carnaval j’ai fait un mariage là, on était à 25 pis on est arrivé à Anvin, j’ai joué la polka-marche et pis j’étais en tête et l’bal était plein, quand qu’i nous ont vu arriver, y a pu personne qui a dansé, on a fait l’tour du bal, on étot 25 à l’queue leu leu hein, et pis là alors ej’ jouais l’scottiche ».

Parmi les airs qu’on peut dater d’entre les deux guerres, et qui étaient très répandus de son « jeune temps » (« Le trompette en bois », « Le 14 juillet à Paris », la chanson « à Bourvil », « La Mère Angot », « Les fraises et les framboises », « Passes la main, tire mon machin », etc…) on trouve également dans le répertoire de Monsieur Lanvin des airs plus anciens qui, d’après lui, remontent au moins à la fin du siècle dernier, car son père les jouait avant lui (polkas, mazurkas, scottiches, le quadrille) et même quelques compositions de lui ou de son père (la valse polonaise, polkas, mazurkas, etc…).

Depuis un an, nous sommes retournés de nombreuses fois rendre visite à nos amis. Patrick a « réajusté » l’accord du Maugein, à la demande de Monsieur Lanvin, en respectant « l’ancien ton » de l’instrument ; nous lui avons fourni des copies des enregistrements ; nous avons dégusté la compote de pommes maison, apprécié « l’tabac d’planteur » et le jambon d’pays.

Samedi 11 décembre 1982, dans le cadre de la réunion à propos du collectage dans le Nord/Pas de calais à Hazebrouck, nous aurons l’occasion de vous présenter Jehan Lanvin dans un documentaire que nous avons réalisé avec l’aide du Syndicat Mixte d’Aménagement du Bas-Pays, de la Direction Départementale du Temps Libre et du Centre Départemental de Documentation Pédagogique du Pas de Calais.

Un peu plus tard, début 1983, une plaquette comportant des commentaires, et des partitions du répertoire de Monsieur Lanvin sera disponible. Ce qui nous semble le plus important dans tout cela, ce n’est pas seulement que des groupes vont pouvoir, s’ils le désirent, faire revivre ces morceaux en les rejouant dans les bals, mais c’est aussi le fait que Monsieur Lanvin se soit remis à jouer régulièrement.

Sa sœur et lui se sont acheté un petit magnétophone et depuis notre dernière visite, Monsieur Lanvin nous a enregistré 5 cassettes d’airs qu’il s’est remémoré. De bons rendez-vous encore en perspective. On vous tiendra au courant, bien entendu.


Gaby Delassus, Patrick Delaval
musiciens et membres
du Collectif d’Expression Musicale Chantefoire





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Jehan Charlemagne Lanvin est né à Teneur le 24 janvier 1906, fils de Félix Lucien (1873-1941) et Jeanne Portemont (1880-1941). Au décès de son oncle François, en 1917, il hérite de son l'accordéon. Jehan décède en 1992, comme l'indique sa tombe qui est au cimetière de Teneur, sa sœur Yvonne est décédée à Campagne les Hesdin le 24 janvier 1998, veuve depuis 1980 d'Alfred Charlemagne Ducrocq.
En complément :
- Un enregistrement de J. Lanvin publié par Traces ici
- Une mazurka jouée par J. Lanvin, interprétée par le groupe Chantefoire ici
- Un article publié dans la revue Tutti ici

Christian Declerck
merci à Alain Basset pour ces données généalogiques



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